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consuelo.

Zdenko l’avait couvert de magnifiques peaux d’ours, en dépit de l’égalité absolue qu’Albert exigeait dans leurs habitudes, et que Zdenko acceptait en tout ce qui ne chagrinait pas la tendresse passionnée qu’il lui portait et la préférence de sollicitude qu’il lui donnait sur lui-même. Consuelo fut reçue dans cette chambre par Cynabre, qui, en entendant tourner la clef dans la serrure, s’était posté sur le seuil, l’oreille dressée et l’œil inquiet. Mais Cynabre avait reçu de son maître une éducation particulière : c’était un ami, et non pas un gardien. Il lui avait été si sévèrement interdit dès son enfance de hurler et d’aboyer, qu’il avait perdu tout à fait cette habitude naturelle aux êtres de son espèce. Si on eût approché d’Albert avec des intentions malveillantes, il eût retrouvé la voix ; si on l’eût attaqué, il l’eût défendu avec fureur. Mais prudent et circonspect comme un solitaire, il ne faisait jamais le moindre bruit sans être sûr de son fait, et sans avoir examiné et flairé les gens avec attention. Il approcha de Consuelo avec un regard pénétrant qui avait quelque chose d’humain, respira son vêtement et surtout sa main qui avait tenu longtemps les clefs touchées par Zdenko ; et, complètement rassuré par cette circonstance, il s’abandonna au souvenir bienveillant qu’il avait conservé d’elle, en lui jetant ses deux grosses pattes velues sur les épaules, avec une joie affable et silencieuse, tandis qu’il balayait lentement la terre de sa queue superbe. Après cet accueil grave et honnête, il alla se recoucher sur le bord de la peau d’ours qui couvrait le lit de son maître, et s’y étendit avec la nonchalance de la vieillesse, non sans suivre des yeux pourtant tous les pas et tous les mouvements de Consuelo.

Avant d’oser approcher de la troisième porte, Consuelo jeta un regard sur l’arrangement de cet ermitage, afin d’y chercher quelque révélation sur l’état moral de