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consuelo.

bientôt la végétation du rivage fut interrompue, et ils s’arrêtèrent, craignant d’être vus. Joseph avança la tête avec précaution parmi les dernières broussailles, et vit un des brigands en observation à la sortie du bois, et l’autre (vraisemblablement le signor Pistola, dont ils avaient déjà éprouvé la supériorité à la course), au bas de la colline, non loin de la rivière. Tandis que Joseph s’assurait de la position de l’ennemi, Consuelo s’était dirigée du côté de la route ; et tout à coup elle revint vers Joseph :

« C’est une voiture qui vient, lui dit-elle, nous sommes sauvés ! Il faut la joindre avant que celui qui nous poursuit se soit avisé de passer l’eau. »

Ils coururent dans la direction de la route en droite ligne, malgré la nudité du terrain ; la voiture venait à eux au galop.

« Oh ! mon Dieu ! dit Joseph, si c’était l’autre voiture, celle des complices ?

— Non, répondit Consuelo, c’est une berline à six chevaux, deux postillons, et deux courriers ; nous sommes sauvés, te dis-je, encore un peu de courage. »

Il était bien temps d’arriver au chemin ; le Pistola avait retrouvé l’empreinte de leurs pieds sur le sable au bord du ruisseau. Il avait la force et la rapidité d’un sanglier. Il vit bientôt dans quel endroit la trace disparaissait, et les pieux qui avaient assujetti la planche. Il devina la ruse, franchit l’eau à la nage, retrouva la marque des pas sur la rive, et, les suivant toujours, il venait de sortir des buissons ; il voyait les deux fugitifs traverser la bruyère… mais il vit aussi la voiture ; il comprit leur dessein, et, ne pouvant plus s’y opposer, il rentra dans les broussailles et s’y tint sur ses gardes.

Aux cris des deux jeunes gens, qui d’abord furent pris pour des mendiants, la berline ne s’arrêta pas. Les