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consuelo.

feriez un joli tambour, et vous battriez la charge à la tête d’un régiment, sans sourciller au milieu de la mitraille.

— Ah ! cela, je n’en sais rien, répliqua-t-elle ; peut-être aurais-je eu peur, si j’avais cru que monsieur voulût nous tuer tout de bon. Mais nous autres Vénitiens, nous connaissons tous les jeux, et on ne nous attrape pas comme cela.

— C’est égal, la mystification est de mauvais goût, reprit M. Mayer. »

Et, adressant la parole au conducteur, il parut le gronder un peu ; mais Consuelo n’en fut pas dupe, et vit bien aux intonations de leur dialogue qu’il s’agissait d’une explication dont le résultat était qu’on croyait s’être mépris sur son intention de fuir.

Consuelo étant remontée dans la voiture avec les autres :

« Convenez, dit-elle en riant à M. Mayer, que votre conducteur à pistolets est un drôle de corps ! Je vais l’appeler à présent signor Pistola. Eh bien, pourtant, monsieur le professeur, convenez que ce n’était pas bien neuf, ce jeu-là !

— C’est une gentillesse allemande, dit monsieur Mayer ; on a plus d’esprit que cela à Venise, n’est-ce pas ?

— Oh ! savez-vous ce que des italiens eussent fait à votre place pour nous jouer un bon tour ? Ils auraient fait entrer la voiture dans le premier buisson venu de la route, et ils se seraient tous cachés. Alors, quand nous nous serions retournés, ne voyant plus rien, et croyant que le diable avait tout emporté, qui eût été bien attrapé ? moi, surtout qui ne peux plus me traîner ; et Joseph aussi, qui est poltron comme une vache du Bœhmer-Wald, et qui se serait cru abandonné dans ce désert. »

M. Mayer riait de ses facéties enfantines qu’il tradui-