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consuelo.

sinueux, et la rivière dont lui avait parlé le conducteur se montra au fond d’une gorge ; mais aussi loin que l’œil pouvait s’étendre, on n’apercevait aucun pont, et l’on marchait toujours vers le nord. Consuelo inquiète et surprise ne put se rendormir.

Une nouvelle montée se présenta bientôt, le cheval semblait très-fatigué. Les voyageurs descendirent tous, excepté Consuelo, qui souffrait toujours des pieds. C’est alors que le gémissement frappa de nouveau ses oreilles, mais si nettement et à tant de reprises différentes, qu’elle ne put l’attribuer davantage à une illusion de ses sens ; le bruit partait sans aucun doute du double fond de la voiture. Elle l’examina avec soin, et découvrit, dans le coin où s’était toujours tenu M. Mayer, une petite lucarne de cuir en forme de guichet, qui communiquait avec ce double fond. Elle essaya de la pousser, mais elle n’y réussit pas. Il y avait une serrure, dont la clef était probablement dans la poche du prétendu professeur.

Consuelo, ardente et courageuse dans ces sortes d’aventures, tira de son gousset un couteau à lame forte et bien coupante, dont elle s’était munie en partant, peut-être par une inspiration de la pudeur, et avec l’appréhension vague de dangers auxquels le suicide peut toujours soustraire une femme énergique. Elle profita d’un moment où tous les voyageurs étaient en avant sur le chemin, même le conducteur, qui n’avait plus rien à craindre de l’ardeur de son cheval ; et élargissant, d’une main prompte et assurée, la fente étroite que présentait la lucarne à son point de jonction avec le dossier, elle parvint à l’écarter assez pour y coller son œil et voir dans l’intérieur de cette case mystérieuse. Quels furent sa surprise et son effroi, lorsqu’elle distingua, dans cette logette étroite et sombre, qui ne recevait d’air et de jour que par une fente pratiquée en haut, un