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consuelo.

M. Mayer reparla longtemps encore à nos jeunes gens de la nécessité de se fixer, et du peu de ressources qu’ils trouveraient à Vienne, sans toutefois déterminer le lieu où il les engageait à se rendre. D’abord Joseph fut frappé de son obstination, et craignit qu’il n’eût découvert le sexe de sa compagne ; mais la bonne foi avec laquelle il lui parlait comme à un garçon (allant jusqu’à lui dire qu’elle ferait mieux d’embrasser l’état militaire, quand elle serait en âge, que de traîner la semelle à travers champs) le rassura sur ce point, et il se persuada que le bon Mayer était un de ces cerveaux faibles, à idées fixes, qui répètent un jour entier le premier propos qui leur est venu à l’esprit en s’éveillant. Consuelo, de son côté, le prit pour un maître d’école, ou pour un ministre protestant qui n’avait en tête qu’éducations, bonnes mœurs et prosélytisme.

Au bout d’une heure, ils arrivèrent à Biberek, par une nuit si obscure qu’ils ne distinguaient absolument rien. La chaise s’arrêta dans une cour d’auberge, et aussitôt M. Mayer fut abordé par deux hommes qui le tirèrent à part pour lui parler. Lorsqu’ils entrèrent dans la cuisine, où Consuelo et Joseph étaient occupés à se sécher et à se réchauffer auprès du feu, Joseph reconnut dans ces deux personnages, les mêmes qui s’étaient séparés de M. Mayer au passage de la Moldaw, lorsque celui-ci l’avait traversée, les laissant sur la rive gauche. L’un des deux était borgne, et l’autre, quoiqu’il eût ses deux yeux, n’avait pas une figure plus agréable. Celui qui avait passé l’eau avec M. Mayer, et que nos jeunes voyageurs avaient retrouvé dans la voiture, vint les rejoindre : le quatrième ne parut pas. Ils parlèrent tous ensemble un langage inintelligible pour Consuelo elle-même qui entendait tant de langues. M. Mayer paraissait exercer sur eux une sorte d’autorité et influencer tout au moins