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consuelo.

met des cœurs secourables sur notre route : ce n’est donc pas en ce moment que nous sommes tentés de l’accuser.

— Vous avez de l’esprit, mon petit ami, répondit Mayer ; vous êtes de ce beau pays où tout le monde en a. Mais, croyez-moi, ni votre esprit ni votre belle voix ne vous empêcheront de mourir de faim dans ces tristes provinces autrichiennes. À votre place, j’irais chercher fortune dans un pays riche et civilisé, sous la protection d’un grand prince.

— Et lequel, dit Consuelo, surprise de cette insinuation.

— Ah ! ma foi, je ne sais ; il y en a plusieurs.

— Mais la reine de Hongrie n’est-elle pas une grande princesse, dit Haydn ? n’est-on pas aussi bien protégé dans ses États ?…

— Eh ! sans doute, répondit Mayer ; mais vous ne savez pas que Sa Majesté Marie-Thérèse déteste la musique, les vagabonds encore plus, et que vous serez chassés de Vienne, si vous y paraissez dans les rues en troubadours, comme vous voilà. »

En ce moment, Consuelo revit, à peu de distance, dans une profondeur de terrains sombres, au-dessous du chemin, les lumières qu’elle avait aperçues, et fit part de son observation à Joseph, qui sur-le-champ manifesta à M. Mayer le désir de descendre, pour gagner ce gîte plus rapproché que la ville de Biberek.

« Cela ? répondit M. Mayer ; vous prenez cela pour des lumières ? Ce sont des lumières, en effet ; mais elles n’éclairent d’autres gîtes que des marais dangereux où bien des voyageurs se sont perdus et engloutis. Avez-vous jamais vu des feux follets ?

— Beaucoup sur les lagunes de Venise, dit Consuelo, et souvent sur les petits lacs de la Bohême.

— Eh bien, mes enfants, ces lumières que vous voyez ne sont pas autre chose.