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consuelo.

— Oui et non. Mon père est charron, et je ne le suis pas ; mais il est en même temps musicien, et j’aspire à l’être.

— Musicien ? Bravo ! c’est un bel état !

— C’est peut-être le vôtre aussi ?

— Vous n’alliez pourtant pas étudier la musique à Pilsen, qu’on dit être une triste ville de guerre ?

— Oh, non ! J’ai été chargé d’une commission pour cet endroit-là, et je m’en retourne à Vienne pour tâcher d’y gagner ma vie, tout en continuant mes études musicales.

— Quelle partie avez-vous embrassée ? la musique vocale ou instrumentale ?

— L’une et l’autre jusqu’à présent. J’ai une assez bonne voix ; et tenez, j’ai là un pauvre petit violon sur lequel je me fais comprendre. Mais mon ambition est grande, et je voudrais aller plus loin que tout cela.

— Composer, peut-être ?

— Vous l’avez dit. Je n’ai dans la tête que cette maudite composition. Je vais vous montrer que j’ai encore dans mon sac un bon compagnon de voyage ; c’est un gros livre que j’ai coupé par morceaux, afin de pouvoir en emporter quelques fragments en courant le pays ; et quand je suis fatigué de marcher, je m’assieds dans un coin et j’étudie un peu ; cela me repose.

— C’est fort bien vu. Je parie que c’est le Gradus ad Parnassum de Fuchs ?

— Précisément. Ah ! je vois bien que vous vous y connaissez, et je suis sûr à présent que vous êtes musicienne, vous aussi. Tout à l’heure, pendant que vous dormiez, je vous regardais, et je me disais : Voilà une figure qui n’est pas allemande ; c’est une figure méridionale, italienne peut-être ; et qui plus est, c’est une figure d’artiste ! Aussi vous m’avez fait bien plaisir en me demandant de mon pain ; et je vois maintenant que vous