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consuelo.

au prix duquel les mets les plus succulents qu’elle eût jamais goûtés à la table des riches lui parurent fades et grossiers.

« Quel bon appétit vous avez ! dit l’enfant ; cela fait plaisir à voir. Eh bien, j’ai du bonheur de vous avoir rencontrée ; cela me rend tout content. Tenez, croyez-moi, mangeons-le tout ; nous retrouverons bien une maison sur la route aujourd’hui, quoique ce pays semble un désert.

— Vous ne le connaissez donc pas ? dit Consuelo d’un air d’indifférence.

— C’est la première fois que j’y passe, quoique je connaisse la route de Vienne à Pilsen, que je viens de faire, et que je reprends maintenant pour retourner là-bas.

— Où, là-bas ? à Vienne ?

— Oui, à Vienne ; est-ce que vous y allez aussi ? »

Consuelo, incertaine si elle accepterait ce compagnon de voyage, ou si elle l’éviterait, feignit d’être distraite pour ne pas répondre tout de suite.

« Bah ! qu’est-ce que je dis ? reprit le jeune homme. Une belle demoiselle comme vous n’irait pas comme cela toute seule à Vienne. Cependant vous êtes en voyage ; car vous avez un paquet comme moi, et vous êtes à pied comme moi ! »

Consuelo, décidée à éluder ses questions jusqu’à ce qu’elle vît à quel point elle pouvait se fier à lui, prit le parti de répondre à une interrogation par une autre.

« Est-ce que vous êtes de Pilsen ? lui demanda-t-elle.

— Non, répondit l’enfant qui n’avait aucun instinct ni aucun motif de méfiance ; je suis de Rohrau en Hongrie ; mon père y est charron de son métier.

— Et comment voyagez-vous si loin de chez vous ? Vous ne suivez donc pas l’état de votre père ?