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consuelo.

caution ! Il semble qu’il veuille afficher sa victoire ! Ah ! le mal qu’il me fait ne serait rien, si une autre âme, plus précieuse et plus chère que la mienne, ne devait pas être souillée par son amour. »

À l’heure où le comte Christian avait coutume de se lever, Albert se rendit auprès de lui, avec l’intention, non de l’avertir de ce qui se passait, mais de l’engager à provoquer une nouvelle explication avec Consuelo. Il était sûr qu’elle ne mentirait pas. Il pensait qu’elle devait désirer cette explication, et s’apprêtait à la soulager de son trouble, à la consoler même de sa honte, et à feindre une résignation qui pût adoucir l’amertume de leurs adieux. Albert ne se demandait pas ce qu’il deviendrait après. Il sentait que ou sa raison, ou sa vie, ne supporterait pas un pareil coup, et il ne craignait pas d’éprouver une douleur au-dessus de ses forces.

Il trouva son père au moment où il entrait dans son oratoire. La lettre posée sur le coussin frappa leurs yeux en même temps. Ils la saisirent et la lurent ensemble. Le vieillard en fut atterré, croyant que son fils ne supporterait pas l’événement ; mais Albert, qui s’était préparé à un plus grand malheur, fut calme, résigné et ferme dans sa confiance.

« Elle est pure, dit-il ; elle veut m’aimer. Elle sent que mon amour est vrai et ma foi inébranlable. Dieu la sauvera du danger. Acceptons cette promesse, mon père, et restons tranquilles. Ne craignez pas pour moi ; je serai plus fort que ma douleur, et je commanderai aux inquiétudes si elles s’emparent de moi.

— Mon fils, dit le vieillard attendri, nous voici devant l’image du Dieu de tes pères. Tu as accepté d’autres croyances, et je ne te les ai jamais reprochées avec amertume, tu le sais, quoique mon cœur en ait bien souffert. Je vais me prosterner devant l’effigie de ce Dieu