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consuelo.

voilà une étrange chose, les chevaux sont couverts de sueur en sortant de l’écurie comme s’ils avaient couru toute la nuit.

— C’est votre diable noir qui sera venu les panser, répondit l’autre.

— C’est donc cela, reprit le palefrenier, que j’ai entendu un bruit épouvantable toute la nuit de ce côté-là ! Je n’ai pas osé venir voir ; mais j’ai entendu la herse crier, et le pont-levis s’abattre, tout comme je vous vois dans ce moment-ci : si bien que j’ai cru que c’était vous qui partiez, et que je ne m’attendais guère à vous revoir ce matin. »

Au pont-levis, ce fut une autre observation du gardien.

« Votre seigneurie est donc double ? demanda cet homme en se frottant les yeux. Je l’ai vue partir vers minuit, et je la vois encore une fois.

— Vous avez rêvé, mon brave homme, dit Anzoleto en lui faisant aussi une gratification. Je ne serais pas parti sans vous prier de boire à ma santé.

— Votre seigneurie me fait trop d’honneur, dit le portier, qui écorchait un peu l’italien.

— C’est égal, dit-il au guide dans sa langue, j’en ai vu deux cette nuit !

— Et prends garde d’en voir quatre la nuit prochaine, répondit le guide en suivant Anzoleto au galop sur le pont : Le diable noir fait de ces tours-là aux dormeurs de ton espèce. »

Anzoleto, bien averti et bien renseigné par son guide, gagna Tusta ou Tauss ; car c’est, je crois, la même ville. Il la traversa après avoir congédié son homme et prit des chevaux de poste, s’abstint de faire aucune question durant dix lieues, et, au terme désigné, s’arrêta pour déjeuner (car il n’en pouvait plus), et pour demander une madame Wolf qui devait être par là avec une voiture.