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consuelo.

paquet de linge, et, descendant sur la pointe du pied avec d’incroyables précautions, elle traversa les étages inférieurs, parvint à l’appartement du comte Christian, se glissa jusqu’à son oratoire, où elle savait qu’il entrait régulièrement à six heures du matin. Elle déposa la lettre sur le coussin où il mettait son livre avant de s’agenouiller par terre. Puis, descendant jusqu’à la cour, sans éveiller personne, elle marcha droit aux écuries.

Le guide, qui n’était pas trop rassuré de se voir seul en pleine nuit dans un grand château où tout le monde dormait comme les pierres, eut d’abord peur de cette femme noire qui s’avançait sur lui comme un fantôme. Il recula jusqu’au fond de son écurie, n’osant ni crier ni l’interroger : c’est ce que voulait Consuelo. Dès qu’elle se vit hors de la portée des regards et de la voix (elle savait d’ailleurs que ni des fenêtres d’Albert ni de celles d’Anzoleto on n’avait vue sur cette cour), elle dit au guide :

« Je suis la sœur du jeune homme que tu as amené ici ce matin. Il m’enlève. C’est convenu avec lui depuis un instant, mets vite une selle de femme sur son cheval : il y en a ici plusieurs. Suis-moi à Tusta sans dire un seul mot, sans faire un seul pas qui puisse apprendre aux gens du château que je me sauve. Tu seras payé double. Tu as l’air étonné ? Allons, dépêche ! À peine serons-nous rendus à la ville, qu’il faudra que tu reviennes ici avec les mêmes chevaux pour chercher mon frère. »

Le guide secoua la tête.

« Tu seras payé triple. »

Le guide fit un signe de consentement.

« Et tu le ramèneras bride abattue à Tusta, où je vous attendrai. »

Le guide hocha encore la tête.