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elle se croyait déjà souillée. En luttant contre cette sombre tentation, elle songea aux moyens de salut qui lui restaient. Matériellement parlant, elle n’en manquait pas, mais tous lui semblaient entraîner d’autres dangers. Elle avait commencé par verrouiller la porte par laquelle Anzoleto pouvait venir. Mais elle ne connaissait encore qu’à demi cet homme froid et personnel, et, ayant vu des preuves de son courage physique, elle ne savait pas qu’il était tout à fait dépourvu du courage moral qui fait affronter la mort pour satisfaire la passion. Elle pensait qu’il oserait venir jusque-là, qu’il insisterait pour être écouté, qu’il ferait quelque bruit ; et elle savait qu’il ne fallait qu’un souffle pour attirer Albert. Il y avait auprès de sa chambre un cabinet avec un escalier dérobé, comme dans presque tous les appartements du château ; mais cet escalier donnait à l’étage inférieur, tout auprès de la chanoinesse. C’était le seul refuge qu’elle pût chercher contre l’audace imprudente d’Anzoleto ; et, pour se faire ouvrir, il fallait tout confesser, même d’avance, afin de ne pas donner lieu à un scandale, que la bonne Wenceslawa, dans sa frayeur, pourrait bien prolonger. Il y avait encore le jardin ; mais si Anzoleto, qui paraissait avoir exploré tout le château avec soin, s’y rendait de son côté, c’était courir à sa perte.

En rêvant ainsi, elle vit de la fenêtre de son cabinet, qui donnait sur une cour de derrière, de la lumière auprès des écuries. Elle examina un homme qui rentrait et sortait de ces écuries sans éveiller les autres serviteurs, et qui paraissait faire des apprêts de départ. Elle reconnut à son costume le guide d’Anzoleto, qui arrangeait ses chevaux conformément à ses instructions. Elle vit aussi de la lumière chez le gardien du pont-levis, et pensa avec raison qu’il avait été averti par le guide d’un départ dont l’heure n’était pas encore fixée. En obser-