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ranimer par un air plus tiède ses membres engourdis. Elle osa jeter un regard sur cet énorme amas de livres, non pas rangés sur des rayons comme dans une bibliothèque, mais jetés pêle-mêle sur le carreau, au milieu de la chambre, avec une sorte de mépris et de dégoût. Elle se hasarda à en ouvrir quelques-uns. Ils étaient presque tous écrits en latin, et Consuelo put tout au plus présumer que c’étaient des ouvrages de controverse religieuse, émanés de l’Église romaine ou approuvés par elle. Elle essayait d’en comprendre les titres, lorsqu’elle entendit enfin bouillonner l’eau de la fontaine. Elle y courut, ferma sa lanterne, se cacha derrière le garde-fou, et attendit l’arrivée de Zdenko. Cette fois, il ne s’arrêta ni dans le parterre, ni dans le cabinet. Il traversa les deux pièces, et sortit de l’appartement d’Albert pour aller, ainsi que le sut plus tard Consuelo, regarder et écouter, à la porte de l’oratoire et à celle de la chambre à coucher du comte Christian, si le vieillard priait dans la douleur ou reposait tranquillement. C’était une sollicitude qu’il prenait souvent sur son compte, et sans qu’Albert eût songé à la lui imposer, comme on le verra par la suite.

Consuelo ne délibéra point sur le parti qu’elle avait à prendre ; son plan était arrêté. Elle ne se fiait plus à la raison ni à la bienveillance de Zdenko ; elle voulait parvenir jusqu’à celui qu’elle supposait prisonnier, seul et sans garde. Il n’y avait sans doute qu’un chemin pour aller sous terre de la citerne du château à celle du Schreckenstein. Si ce chemin était difficile ou périlleux, du moins il était praticable, puisque Zdenko y passait toutes les nuits. Il l’était surtout avec de la lumière ; et Consuelo s’était pourvue de bougies, d’un morceau de fer, d’amadou, et d’une pierre pour avoir de la lumière en cas d’accident. Ce qui lui donnait la certitude d’arri-