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consuelo.

« La noble franchise avec laquelle vous me répondez me donne encore une plus haute idée de vous, lui dit-il. Ne pensez pas que je vous aie demandé ces détails pour vous estimer plus ou moins, selon votre naissance et votre condition. Je voulais savoir si vous aviez quelque répugnance à dire la vérité, et je vois que vous n’en avez aucune. Je vous en sais un gré infini, et vous trouve plus noble par votre caractère que nous ne le sommes, nous autres, par nos titres. »

Consuelo sourit de la bonne foi avec laquelle le vieux patricien admirait qu’elle fit, sans rougir, un aveu si facile. Il y avait dans cette surprise un reste de préjugé d’autant plus tenace que Christian s’en défendait plus noblement. Il était évident qu’il combattait ce préjugé en lui-même, et qu’il voulait le vaincre.

« Maintenant, reprit-il, je vais vous faire une question plus délicate encore, ma chère enfant, et j’ai besoin de toute votre indulgence pour excuser ma témérité.

— Ne craignez rien, monseigneur, dit-elle ; je répondrai à tout avec aussi peu d’embarras.

— Eh bien, mon enfant… vous n’êtes pas mariée ?

— Non, monseigneur, que je sache.

— Et… vous n’êtes pas veuve ? Vous n’avez pas d’enfants ?

— Je ne suis pas veuve, et je n’ai pas d’enfants, répondit Consuelo qui eut fort envie de rire, ne sachant où le comte voulait en venir.

— Enfin, reprit-il, vous n’avez engagé votre foi à personne, vous êtes parfaitement libre ?

— Pardon, monseigneur ; j’avais engagé ma foi, avec le consentement et même d’après l’ordre de ma mère mourante, à un jeune garçon que j’aimais depuis l’enfance, et dont j’ai été la fiancée jusqu’au moment où j’ai quitté Venise.