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consuelo.

ainsi dire des profondeurs de la terre, n’était-il pas assez significatif, assez éloquent ? Quelle contradiction régnait donc entre le vœu formel et constant d’Albert et la conduite récente de Zdenko ?

Consuelo s’arrêta à sa dernière supposition. Albert, malade et accablé au fond du souterrain, qu’elle présumait placé sous le Schreckenstein, y était peut-être retenu par la tendresse insensée de Zdenko. Il était peut-être la proie de ce fou, qui le chérissait à sa manière, en le tenant prisonnier, en cédant parfois à son désir de revoir la lumière, en exécutant ses messages auprès de Consuelo, et en s’opposant tout à coup au succès de ses démarches par une terreur où un caprice inexplicable. Eh bien, se dit-elle, j’irai, dussé-je affronter les dangers réels ; j’irai, dussé-je faire une imprudence ridicule aux yeux des sots et des égoïstes ; j’irai, dussé-je y être humiliée par l’indifférence de celui qui m’appelle. Humiliée ! et comment pourrais-je l’être, s’il est réellement aussi fou lui-même que le pauvre Zdenko ? Je n’aurai sujet que de les plaindre l’un et l’autre, et j’aurai fait mon devoir. J’aurai obéi à la voix de Dieu qui m’inspire, et à sa main qui me pousse avec une force irrésistible.

L’état fébrile où elle s’était trouvée tous les jours précédents, et qui, depuis sa dernière rencontre malencontreuse avec Zdenko, avait fait place à une langueur pénible, se manifesta de nouveau dans son âme et dans son corps. Elle retrouva toutes ses forces ; et, cachant à Amélie et le livre, et son enthousiasme, et son dessein, elle échangea des paroles enjouées avec elle, la laissa s’endormir, et partit pour la source des Pleurs, munie d’une petite lanterne sourde qu’elle s’était procurée le matin même.

Elle attendit assez longtemps, et fut forcée par le froid de rentrer plusieurs fois dans le cabinet d’Albert, pour