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ses affaires. Innocente, sa conquête était difficile, partant plus glorieuse ; corrompue, c’était le contraire ; et dans l’un ou l’autre cas, il y avait lieu d’entreprendre ou d’espérer.

Anzoleto était trop fin pour ne pas s’apercevoir de l’humeur et de l’inquiétude que cette longue promenade de la Porporina avec son neveu inspirait à la chanoinesse. Comme il ne vit pas le comte Christian, il put croire que le guide avait été mal informé ; que la famille voyait avec crainte et déplaisir l’amour du jeune comte pour l’aventurière, et que celle-ci baisserait la tête devant son premier amant.

Après quatre mortelles heures d’attente, Anzoleto, qui avait eu le temps de faire bien des réflexions, et dont les mœurs n’étaient pas assez pures pour augurer le bien en pareille circonstance, regarda comme certain qu’un aussi long tête-à-tête entre Consuelo et son rival attestait une intimité sans réserve. Il en fut plus hardi, plus déterminé à l’attendre sans se rebuter ; et après l’attendrissement irrésistible que lui causa son premier aspect, il se crut certain, dès qu’il la vit se troubler et tomber suffoquée sur une chaise, de pouvoir tout oser. Sa langue se délia donc bien vite. Il s’accusa de tout le passé, s’humilia hypocritement, pleura tant qu’il voulut, raconta ses remords et ses tourments, en les peignant plus poétiques que de dégoûtantes distractions ne lui avaient permis de les ressentir ; enfin, il implora son pardon avec toute l’éloquence d’un Vénitien et d’un comédien consommé.

D’abord émue au son de sa voix, et plus effrayée de sa propre faiblesse que de la puissance de la séduction, Consuelo, qui depuis quatre mois avait fait, elle aussi, des réflexions, retrouva beaucoup de lucidité pour reconnaître, dans ces protestations et dans cette éloquence