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consuelo.

n’en sera ébloui, je te jure, et tu ne pourras pas me le reprocher. Enfin, quant à l’opposition de mes parents… Oh ! s’il n’y avait que cet obstacle ! dis-moi donc qu’il n’y en a pas d’autre, et tu verras !

— C’est le plus grand de tous, le seul que tout mon dévouement, toute ma reconnaissance pour vous ne saurait lever.

— Tu mens, Consuelo ! Ose jurer que tu ne mens pas ! Ce n’est pas là le seul obstacle. »

Consuelo hésita. Elle n’avait jamais menti, et cependant elle eût voulu réparer le mal qu’elle avait fait à son ami, à celui qui lui avait sauvé la vie, et qui veillait sur elle depuis plusieurs mois avec la sollicitude d’une mère tendre et intelligente. Elle s’était flattée d’adoucir ses refus en invoquant des obstacles qu’elle jugeait, en effet, insurmontables. Mais les questions réitérées d’Albert la troublaient, et son propre cœur était un dédale où elle se perdait ; car elle ne pouvait pas dire avec certitude si elle aimait ou si elle haïssait cet homme étrange, vers lequel une sympathie mystérieuse et puissante l’avait poussée, tandis qu’une crainte invincible, et quelque chose qui ressemblait à l’aversion, la faisaient trembler à la seule idée d’un engagement.

Il lui sembla, en cet instant, qu’elle haïssait Anzoleto. Pouvait-il en être autrement, lorsqu’elle le comparait, avec son brutal égoïsme, son ambition abjecte, ses lâchetés, ses perfidies, à cet Albert si généreux, si humain, si pur, et si grand de toutes les vertus les plus sublimes et les plus romanesques ? Le seul nuage qui pût obscurcir la conclusion du parallèle, c’était cet attentat sur la vie de Zdenko, qu’elle ne pouvait se défendre de présumer. Mais ce soupçon n’était-il pas une maladie de son imagination, un cauchemar qu’un instant d’explication pouvait dissiper ? Elle résolut de l’essayer ; et,