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du moindre tressaillement. La source était chaude à son point de départ, et les tièdes exhalaisons qu’elle répandait dans la caverne y entretenaient une atmosphère douce et moite qui favorisait la végétation. Elle sortait de son bassin par plusieurs ramifications, dont les unes se perdaient sous les rochers avec un bruit sourd, et dont les autres se promenaient silencieusement en ruisseaux limpides dans l’intérieur de la grotte, pour disparaître dans les enfoncements obscurs qui en reculaient indéfiniment les limites.

Lorsque le comte Albert, qui jusque-là n’avait fait qu’essayer les cordes de son violon, vit Consuelo s’avancer vers lui, il vint à sa rencontre, et l’aida à franchir les méandres que formait la source, et sur lesquels il avait jeté quelques troncs d’arbres aux endroits profonds. En d’autres endroits, des rochers épars à fleur d’eau offraient un passage facile à des pas exercés. Il lui tendit la main pour l’aider, et la souleva quelquefois dans ses bras. Mais cette fois Consuelo eut peur, non du torrent qui fuyait silencieux et sombre sous ses pieds, mais de ce guide mystérieux vers lequel une sympathie irrésistible la portait, tandis qu’une répulsion indéfinissable l’en éloignait en même temps. Arrivée au bord de la source, elle vit, sur une large pierre qui la surplombait de quelques pieds, un objet peu propre à la rassurer. C’était une sorte de monument quadrangulaire, formé d’ossements et de crânes humains, artistement agencés comme on en voit dans les catacombes.

« N’en soyez point émue, lui dit Albert, qui la sentit tressaillir. Ces nobles restes sont ceux des martyrs de ma religion, et ils forment l’autel devant lequel j’aime à méditer et à prier.

— Quelle est donc votre religion, Albert ? dit Consuelo avec une naïveté mélancolique. Sont-ce là les ossements