Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/124

Cette page a été validée par deux contributeurs.
112
consuelo.

suelo, qui ne se sentait pas troublée par le genre d’émotion qu’elle éprouvait, passa hardiment son autre bras sous celui de la chanoinesse, et lui donna un gros baiser sur l’épaule. Wenceslawa eût bien voulu lui battre froid ; mais elle subissait malgré elle l’ascendant de cette âme droite et affectueuse. Elle soupira, et, en rentrant, elle alla dire une prière pour sa conversion.

LII

Plusieurs jours s’écoulèrent pourtant sans que le vœu d’Albert pût être exaucé. Consuelo fut surveillée de si près par la chanoinesse, qu’elle eut beau se lever avec l’aurore et franchir le pont-levis la première, elle trouva toujours la tante ou le chapelain errant sous la charmille de l’esplanade, et de là, observant tout le terrain découvert qu’il fallait traverser pour gagner les buissons de la colline. Elle prit le parti de se promener seule à portée de leurs regards, et de renoncer à rejoindre Albert, qui, de sa retraite ombragée, distingua les vedettes ennemies, fit un grand détour dans le fourré, et rentra au château sans être aperçu.

« Vous avez été vous promener de grand matin, signora Porporina, dit à déjeuner la chanoinesse ; ne craignez-vous pas que l’humidité de la rosée vous soit contraire ?

— C’est moi, ma tante, reprit le jeune comte, qui ai conseillé à la signora de respirer la fraîcheur du matin, et je ne doute pas que ces promenades ne lui soient très-favorables.

— J’aurais cru qu’une personne qui se consacre à la musique vocale, reprit la chanoinesse avec un peu d’affectation, ne devait pas s’exposer à nos matinées brumeuses ; mais si c’est d’après votre ordonnance…