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de ces petites passions qui cherchent et convoitent les succès ordinaires. Il y avait en elle quelque chose de grave, de mystérieux et de profond, qui commandait le respect et l’attendrissement.

« Courage, ma fille, lui dit le professeur à voix basse ; tu vas chanter la musique d’un grand maître, et ce maître est là qui t’écoute.

— Qui, Marcello ? dit Consuelo voyant le professeur déplier les psaumes de Marcello sur le pupitre.

— Oui, Marcello, répondit le professeur. Chante comme à l’ordinaire, rien de plus, rien de moins, et ce sera bien. »

En effet, Marcello, alors dans la dernière année de sa vie, était venu revoir une dernière fois Venise, sa patrie, dont il faisait la gloire comme compositeur, comme écrivain, et comme magistrat. Il avait été plein de courtoisie pour le Porpora, qui l’avait prié d’entendre son école, lui ménageant la surprise de faire chanter d’abord par Consuelo, qui le possédait parfaitement, son magnifique psaume : I cieli immensi narrano. Aucun morceau n’était mieux approprié à l’espèce d’exaltation religieuse où se trouvait en ce moment l’âme de cette noble fille. Aussitôt que les premières paroles de ce chant large et franc brillèrent devant ses yeux, elle se sentit transportée dans un autre monde. Oubliant le comte Zustiniani, les regards malveillants de ses rivales, et jusqu’à Anzoleto, elle ne songea qu’à Dieu et à Marcello, qui se plaçait dans sa pensée comme un interprète entre elle et ces cieux splendides dont elle avait à célébrer la gloire. Quel plus beau thème, en effet, et quelle plus grande idée !

I cieli immensi narrano
Del grande Iddio la gloria ;
Il firmamento lucido
All’universo annunzia
Quanto sieno mirabili
Della sua destra le opere.