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consuelo.

ses yeux un éclat pur et serein qui la faisaient ressembler certainement à la sainte Cécile des nones de Santa-Chiara.

Anzoleto n’en pouvait plus détacher ses yeux. Le soleil s’était couché ; la nuit se faisait vite dans cette grande chambre éclairée d’une seule petite fenêtre ; et dans cette demi-teinte, qui embellissait encore Consuelo, semblait nager autour d’elle un fluide d’insaisissables voluptés. Anzoleto eut un instant la pensée de s’abandonner aux désirs qui s’éveillaient en lui avec une impétuosité toute nouvelle, et à cet entraînement se joignait par éclairs une froide réflexion. Il songeait à expérimenter, par l’ardeur de ses transports, si la beauté de Consuelo aurait autant de puissance sur lui que celle des autres femmes réputées belles qu’il avait possédées. Mais il n’osa pas se livrer à ces tentations indignes de celle qui les inspirait. Insensiblement son émotion devint plus profonde, et la crainte d’en perdre les étranges délices lui fit désirer de la prolonger.

Tout à coup, Consuelo, ne pouvant plus supporter son embarras se leva, et faisant un effort sur elle-même pour revenir à leur enjouement, se mit à marcher dans la chambre, en faisant de grands gestes de tragédie, et en chantant d’une manière un peu outrée plusieurs phrases de drame lyrique, comme si elle fût entrée en scène.

« Eh bien, c’est magnifique ! s’écria Anzoleto ravi de surprise en la voyant capable d’un charlatanisme qu’elle ne lui avait jamais montré.

— Ce n’est pas magnifique, dit Consuelo en se rasseyant ; et j’espère que c’est pour rire que tu dis cela ?

— Ce serait magnifique à la scène. Je t’assure qu’il n’y aurait rien de trop. Corilla en crèverait de jalousie ; car c’est tout aussi frappant que ce qu’elle fait dans les moments où on l’applaudit à tout rompre.