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consuelo.

— En ce cas tu me diras quelque chose qui me fasse rire, quand nous serons devant le comte.

— Tu as des cheveux magnifiques, Consuelo.

— Pour cela oui ! Veux-tu les voir ? » Elle détacha ses épingles, et laissa tomber jusqu’à terre un torrent de cheveux noirs, où le soleil brilla comme dans une glace.

« Et tu as la poitrine large, la ceinture fine, les épaules… ah ! bien belles, Consuelo ! Pourquoi me les caches-tu ? Je ne demande à voir que ce qu’il faudra bien que tu montres au public.

— J’ai le pied assez petit », dit Consuelo pour détourner la conversation ; et elle montra un véritable petit pied andalou, beauté à peu près inconnue à Venise.

« La main est charmante aussi, dit Anzoleto en baisant, pour la première fois, la main que jusque-là il avait serrée amicalement comme celle d’un camarade. Laisse-moi voir tes bras.

— Tu les as vus cent fois, dit-elle en ôtant ses mitaines.

— Non, je ne les avais jamais vus », dit Anzoleto que cet examen innocent et dangereux commençait à agiter singulièrement.

Et il retomba dans le silence, couvant du regard cette jeune fille que chaque coup d’œil embellissait et transformait à ses yeux.

Peut-être n’était-ce pas tout à fait qu’il eût été aveugle jusqu’alors ; car peut-être était-ce la première fois que Consuelo dépouillait, sans le savoir, cet air insouciant qu’une parfaite régularité de lignes peut seule faire accepter. En cet instant, émue encore d’une vive atteinte portée à son cœur, redevenue naïve et confiante, mais conservant un imperceptible embarras qui n’était pas l’éveil de la coquetterie, mais celui de la pudeur sentie et comprise, son teint avait une pâleur transparente, et