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consuelo.

Corilla

Et qui donc médit ainsi de moi ?

Anzoleto

Tous les hommes, parce que tous les hommes vous adorent.

Corilla

Ainsi, si j’avais la folie de prendre de l’affection pour toi et de te le dire, tu me repousserais ?

Anzoleto

Je ne sais si j’aurais la force de m’enfuir ; mais si je l’avais, il est certain que je ne voudrais vous revoir de ma vie.

« Eh bien, dit la Corilla, j’ai envie de faire cette épreuve par curiosité… Anzoleto, je crois que je t’aime.

— Et moi, je n’en crois rien, répondit-il. Si je reste, c’est parce que je comprends bien que c’est un persiflage. À ce jeu-là, vous ne m’intimiderez pas, et vous me piquerez encore moins.

— Tu veux faire assaut de finesse, je crois ?

— Pourquoi non ? Je ne suis pas bien redoutable, puisque je vous donne le moyen de me vaincre.

— Lequel ?

— C’est de me glacer d’épouvante, et de me mettre en fuite en me disant sérieusement ce que vous venez de me dire par raillerie.

— Tu es un drôle de corps ! et je vois bien qu’il faut faire attention à tout avec toi. Tu es de ces hommes qui ne veulent pas respirer seulement le parfum de la rose, mais la cueillir et la mettre sous verre. Je ne t’aurais cru ni si hardi ni si volontaire à ton âge !

— Et vous me méprisez pour cela ?

— Au contraire : tu m’en plais davantage. Bonsoir, Anzoleto, nous nous reverrons.

Elle lui tendit sa belle main, qu’il baisa avec passion. Je