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rasse fortifiée, d’où la garnison pouvait observer les mouvements des troupes dans la vallée et sur les flancs des montagnes environnantes. Il n’est point de brèche offrant un passage qu’on ne puisse découvrir d’ici. Autrefois une haute muraille, avec des jours pratiqués de tous côtés, environnait cette plate-forme, et défendait les occupants contre les flèches ou les balles de l’ennemi.

— Et qu’est-ce que ceci ? demanda Consuelo en s’approchant d’une citerne située au centre du parterre, et dans laquelle on descendait par un petit escalier rapide et tournant.

— C’est une citerne qui fournissait toujours et en abondance une eau de roche excellente aux assiégés ; ressource inappréciable pour un château fort !

— Cette eau est donc bonne à boire ? dit Consuelo en examinant l’eau verdâtre et mousseuse de la citerne. Elle me paraît bien trouble.

— Elle n’est plus bonne maintenant, ou du moins elle ne l’est pas toujours, et le comte Albert n’en fait usage que pour arroser ses fleurs. Il faut vous dire qu’il se passe depuis deux ans dans cette fontaine un phénomène bien extraordinaire. La source, car c’en est une, dont le jaillissement est plus ou moins voisin dans le cœur de la montagne, est devenue intermittente. Pendant des semaines entières le niveau s’abaisse extraordinairement, et le comte Albert fait monter, par Zdenko, de l’eau du puits de la grande cour pour arroser ses plantes chéries. Et puis, tout à coup, dans l’espace d’une nuit, et quelquefois même d’une heure, cette citerne se remplit d’une eau tiède, trouble comme vous la voyez. Quelquefois elle se vide rapidement ; d’autres fois l’eau séjourne assez longtemps et s’épure peu à peu, jusqu’à devenir froide et limpide comme du cristal de roche. Il faut qu’il se soit passé cette nuit un phénomène de ce