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consuelo.

— Voyons, dit Amélie, si le chapelain, qui est très-versé dans toutes les formules anciennes et nouvelles dont se servent nos paysans, connaîtra celle-ci. »

Et, courant vers le bonhomme, elle lui demanda l’explication de la phrase de Zdenko.

Mais ces paroles obscures parurent frapper le chapelain d’une affreuse lumière.

« Dieu vivant ! s’écria-t-il en pâlissant, où donc votre seigneurie a-t-elle entendu un semblable blasphème ?

— Si c’en est un, je ne le devine pas, répondit Amélie en riant, et c’est pour cela que j’en attends de vous la traduction.

— Mot à mot, c’est bien, en bon allemand, ce que vous venez de dire, madame, c’est bien « Que celui à qui on a fait tort te salue » ; mais si vous voulez en savoir le sens (et j’ose à peine le prononcer), c’est, dans la pensée de l’idolâtre qui le prononce, « que le diable soit avec toi ! »

— En d’autres termes, reprit Amélie en riant plus fort : « Va au diable !  » Eh bien ! c’est un joli compliment, et voilà ce qu’on gagne, ma chère Nina, à causer avec les fous. Vous ne pensiez pas que Zdenko, avec un sourire si affable et des grimaces si enjouées, vous adressait un souhait aussi peu galant.

— Zdenko ? s’écria le chapelain. Ah ! c’est ce malheureux idiot qui se sert de pareilles formules ? À la bonne heure ! je tremblais que ce ne fût quelque autre… et j’avais tort ; cela ne pouvait sortir que de cette tête farcie des abominations de l’antique hérésie ! Où prend-il ces choses à peu près inconnues et oubliées aujourd’hui ? L’esprit du mal peut seul les lui suggérer.

— Mais c’est tout simplement un fort vilain jurement dont le peuple se sert dans toutes les langues, repartit