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consuelo.

geait fort peu, montrer machinalement de la préférence pour ce mets que sa tante confectionnait toujours pour lui avec le plus grand soin. Elle l’enveloppa dans un mouchoir blanc, et, voulant le jeter à Zdenko par dessus le fossé, elle se hasarda à l’appeler. Mais comme il ne paraissait pas vouloir l’écouter, elle se souvint de la vivacité avec laquelle il lui avait dit son nom, et elle le prononça d’abord en allemand. Zdenko sembla l’entendre ; mais il était mélancolique dans ce moment-là, et, sans la regarder, il répéta en allemand, en secouant la tête et en soupirant : Consolation ! consolation ! comme s’il eût voulu dire : Je n’espère plus de consolation.

« Consuelo ! » dit alors la jeune fille pour voir si son nom espagnol réveillerait la joie qu’il avait montrée le matin en le prononçant.

Aussitôt Zdenko abandonna ses cailloux, et se mit à sauter et à gambader sur le bord du fossé, en faisant voler son bonnet par-dessus sa tête, et en étendant les bras vers elle, avec des paroles bohêmes très-animées, et un visage rayonnant de plaisir et d’affection.

« Albert ! » lui cria de nouveau Consuelo en lui jetant le gâteau.

Zdenko le ramassa en riant, et ne déploya pas le mouchoir ; mais il disait beaucoup de choses que Consuelo était désespérée de ne pas comprendre. Elle écouta particulièrement et s’attacha à retenir une phrase qu’il répéta plusieurs fois en la saluant ; son oreille musicale l’aida à en saisir la prononciation exacte ; et dès qu’elle eut perdu Zdenko de vue, qui s’enfuyait à toutes jambes, elle l’écrivit sur son carnet, en l’orthographiant à la vénitienne, et se réservant d’en demander le sens à Amélie. Mais, avant de quitter Zdenko, elle voulut lui donner encore quelque chose qui témoignât à Albert l’intérêt qu’elle lui portait, d’une manière plus délicate ;