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une proposition si hardie. Il se tirait toujours d’embarras en disant : « Rapportons-nous-en à la sagesse éternelle ; Dieu lit dans les choses cachées ; l’esprit doit s’abîmer en Dieu » ; et autres sentences plus consolantes que nouvelles.

Le comte Christian était partagé entre le désir d’accepter l’ascétisme un peu tourné au merveilleux de sa bonne sœur, et le respect que lui imposait l’orthodoxie méticuleuse et prudente de son confesseur. Il crut détourner la conversation en parlant de la Porporina, et en louant le maintien charmant de cette jeune personne. La chanoinesse, qui l’aimait déjà, renchérit sur ces éloges, et le chapelain donna sa sanction à l’entraînement de cœur qu’ils éprouvaient pour elle. Il ne leur vint pas à l’esprit d’attribuer à la présence de Consuelo le miracle qui venait de s’accomplir dans leur intérieur. Ils en recueillirent le bienfait sans en reconnaître la source ; c’est tout ce que Consuelo eût demandé à Dieu, si elle eût été consultée.

Amélie avait fait des remarques un peu plus précises. Il devenait bien évident pour elle que son cousin avait, dans l’occasion, assez d’empire sur lui-même pour cacher le désordre de ses pensées aux personnes dont il se méfiait, comme à celles qu’il considérait particulièrement. Devant certains parents ou certains amis de sa famille qui lui inspiraient ou de la sympathie ou de l’antipathie, il n’avait jamais trahi par aucun fait extérieur l’excentricité de son caractère. Aussi, lorsque Consuelo lui exprima sa surprise de ce qu’elle lui avait entendu raconter la veille, Amélie, tourmentée d’un secret dépit, s’efforça de lui rendre l’effroi que ses récits avaient déjà provoqué en elle pour le comte Albert.

« Eh ! ma pauvre amie, lui dit-elle, méfiez-vous de ce calme trompeur ; c’est le temps d’arrêt qui sépare tou-