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de son hôtesse, lui offrit son bras ; et force fut à l’impétueuse petite baronne de se traîner majestueusement jusqu’au péristyle, où déjà la chaise de poste venait de déposer sur les premières marches l’errante et fugitive Consuelo.

XXIV.

Depuis trois mois que la baronne Amélie s’était mis en tête d’avoir une compagne, pour l’instruire bien moins que pour dissiper l’ennui de son isolement, elle avait fait cent fois dans son imagination le portrait de sa future amie. Connaissant l’humeur chagrine du Porpora, elle avait craint qu’il ne lui envoyât une gouvernante austère et pédante. Aussi avait-elle écrit en cachette au professeur pour lui annoncer qu’elle ferait un très-mauvais accueil à toute gouvernante âgée de plus de vingt-cinq ans, comme s’il n’eût pas suffi qu’elle exprimât son désir à de vieux parents dont elle était l’idole et la souveraine.

En lisant la réponse du Porpora, elle fut si transportée, qu’elle improvisa tout d’un trait dans sa tête une nouvelle image de la musicienne, fille adoptive du professeur, jeune, et vénitienne surtout, c’est-à-dire, dans les idées d’Amélie, faite exprès pour elle, à sa guise et à sa ressemblance.

Elle fut donc un peu déconcertée lorsqu’au lieu de l’espiègle enfant couleur de rose qu’elle rêvait déjà, elle vit une jeune personne pâle, mélancolique et très-interdite. Car au chagrin profond dont son pauvre cœur était accablé, et à la fatigue d’un long et rapide voyage, une impression pénible et presque mortelle était venue se joindre dans l’âme de Consuelo, au milieu de ces vastes forêts de sapins battues par l’orage, au sein de cette nuit lugubre traversée de livides éclairs, et surtout à l’aspect