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consuelo.

relever de ses insultes et le chasser avec mépris, le respect lui revint avec la crainte, et il erra longtemps dans l’escalier et sur la rive attendant qu’elle le rappelât. Il se hasarda même à frapper et à implorer son pardon à travers la porte. Mais un profond silence régna dans cette chambre, dont il ne devait plus jamais repasser le seuil avec Consuelo. Il se retira confus et dépité, se promettant de revenir le lendemain et se flattant d’être plus heureux. « Après tout, se disait-il, mon projet va réussir ; elle sait l’amour du comte ; la besogne est à moitié faite. »

Accablé de fatigue, il dormit longtemps ; et dans l’après-midi il se rendit chez la Corilla.

« Grande nouvelle ! s’écria-t-elle en lui tendant les bras : la Consuelo est partie !

— Partie ! et avec qui, grand Dieu ! et pour quel pays ?

— Pour Vienne, où le Porpora l’envoie, en attendant qu’il s’y rende lui-même. Elle nous a tous trompés, cette petite masque. Elle était engagée pour le théâtre de l’empereur, où le Porpora va faire représenter son nouvel opéra.

— Partie ! partie sans me dire un mot ! s’écria Anzoleto en courant vers la porte.

— Oh ! rien ne te servira de la chercher à Venise, dit la Corilla avec un rire méchant et un regard de triomphe. Elle s’est embarquée pour Palestrine au jour naissant ; elle est déjà loin en terre ferme. Zustiniani, qui se croyait aimé et qui était joué, est furieux ; il est au lit avec la fièvre. Mais il m’a dépêché tout à l’heure le Porpora, pour me prier de chanter ce soir ; et Stefanini, qui est très-fatigué du théâtre et très-impatient d’aller jouir dans son château des douceurs de la retraite, est fort désireux de te voir reprendre tes débuts. Ainsi songe à reparaître demain dans Ipermnestre. Moi, je