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consuelo.

douceur, excusez l’état de faiblesse où je me trouve ; j’ai mal écouté, mais je comprends. Oh ! oui, j’ai fort bien compris. Je vous demande la nuit pour réfléchir, pour me remettre du trouble où je suis. Demain, oui… demain, je vous répondrai sans détour.

— Demain, chère Consuelo, oh ! c’est un siècle ; mais je me soumettrai si vous me permettez d’espérer que du moins votre amitié…

— Oh ! oui ! oui ! il y a lieu d’espérer ! répondit Consuelo d’un ton étrange en posant les pieds sur la rive ; mais ne me suivez pas, dit-elle en faisant le geste impérieux de le repousser au fond de sa gondole. Sans cela vous n’auriez pas sujet d’espérer. »

La honte et l’indignation venaient de lui rendre la force ; mais une force nerveuse, fébrile, et qui s’exhala en un rire sardonique effrayant tandis qu’elle montait l’escalier.

« Vous êtes bien joyeuse, Consuelo ! lui dit dans l’obscurité une voix qui faillit la foudroyer. Je vous félicite de votre gaieté !

— Ah ! oui, répondit-elle en saisissant avec force le bras d’Anzoleto et en montant rapidement avec lui à sa chambre ; je te remercie, Anzoleto, tu as bien raison de me féliciter, je suis vraiment joyeuse ; oh ! tout à fait joyeuse ! »

Anzoleto, qui l’avait entendue, avait déjà allumé la lampe. Quand la clarté bleuâtre tomba sur leurs traits décomposés, ils se firent peur l’un à l’autre.

« Nous sommes bien heureux, n’est-ce pas, Anzoleto ? dit-elle d’une voix âpre, en contractant ses traits par un sourire qui fit couler sur ses joues un ruisseau de larmes. Que penses-tu de notre bonheur ?

— Je pense, Consuelo répondit-il avec un sourire amer et des yeux secs, que nous avons eu quelque peine