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pour elle, que déjà tout Venise disait que, dégoûté de la Corilla, il faisait débuter à sa place une nouvelle maîtresse. Plusieurs ajoutaient : « Grande mystification pour son public, et grand dommage pour son théâtre ! car sa favorite est une petite chanteuse des rues qui ne sait rien, et ne possède rien qu’une belle voix et une figure passable. »

De là des cabales pour la Corilla, qui, de son côté, allait jouant le rôle de rivale sacrifiée, et invoquait son nombreux entourage d’adorateurs, afin qu’ils fissent, eux et leurs amis, justice des prétentions insolentes de la Zingarella (petite bohémienne). De là aussi des cabales en faveur de la Consuelo, de la part des femmes dont la Corilla avait détourné ou disputé les amants et les maris, ou bien de la part des maris qui souhaitaient qu’un certain groupe de Don Juan vénitiens se serrât autour de la débutante plutôt qu’autour de leurs femmes, ou bien encore de la part des amants rebutés ou trahis par la Corilla et qui désiraient de se voir vengés par le triomphe d’une autre.

Quant aux véritables dilettanti di musica, ils étaient également partagés entre le suffrage des maîtres sérieux, tels que le Porpora, Marcello, Jomelli, etc., qui annonçaient, avec le début d’une excellente musicienne, le retour des bonnes traditions et des bonnes partitions ; et le dépit des compositeurs secondaires, dont la Corilla avait toujours préféré les œuvres faciles, et qui se voyaient menacés dans sa personne. Les musiciens de l’orchestre, qu’on menaçait aussi de remettre à des partitions depuis longtemps négligées, et de faire travailler sérieusement ; tout le personnel du théâtre, qui prévoyait les réformes résultant toujours d’un notable changement dans la composition de la troupe ; enfin jusqu’aux machinistes des décorations, aux habilleuses des actrices et au perruquier