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consuelo.

savoir s’il est son amant ou son ami. Dans le premier cas, le désabusement arrivera plus vite que Consuelo ; dans le second, il y aura entre eux une lutte, une incertitude, qui prolongeront tes angoisses.

— Il me faudrait donc désirer ce que je crains horriblement, ce qui me bouleverse de rage rien que d’y songer ! Toi, qu’en penses-tu ?

— Je crois qu’ils ne sont point amants.

— Mais c’est impossible ! L’enfant est libertin, audacieux, bouillant : et puis les mœurs de ces gens-là !

— Consuelo est un prodige en toutes choses. Tu n’es pas bien expérimenté encore, malgré tous tes succès auprès des femmes, cher Zustiniani, si tu ne vois pas dans tous les mouvements, dans toutes les paroles, dans tous les regards de cette fille, qu’elle est aussi pure que le cristal au sein du rocher.

— Tu me transportes de joie !

— Prends garde ! c’est une folie, un préjugé ! Si tu aimes Consuelo, il faut la marier demain, afin que dans huit jours son maître lui ait fait sentir le poids d’une chaîne, les tourments de la jalousie, l’ennui d’un surveillant fâcheux, injuste, et infidèle ; car le bel Anzoleto sera tout cela. Je l’ai assez observé hier entre la Consuelo et la Clorinda, pour être à même de lui prophétiser ses torts et ses malheurs. Suis mon conseil, ami, et tu m’en remercieras bientôt. Le lien du mariage est facile à détendre entre gens de cette condition ; et tu sais que, chez ces femmes-là, l’amour est une fantaisie ardente qui ne s’exalte qu’avec les obstacles.

— Tu me désespères, répondit le comte, et pourtant je sens que tu as raison. »

Malheureusement pour les projets du comte Zustiniani, ce dialogue avait un auditeur sur lequel on ne comptait point et qui n’en perdait pas une syllabe. Après avoir