Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 1.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
consuelo.

ces jours, je serais forcée de porter à l’église la même qui aurait déjà été étrennée. Cela porte malheur, à ce qu’on dit. Aussi, quand ma mère est venue en rêve me la retirer pour la remettre dans l’armoire, elle savait bien ce qu’elle faisait, la pauvre âme ! Ainsi donc tout est prêt ; demain, au lever du soleil, nous nous jurerons fidélité. Tu attendais pour cela, méchant, d’être sûr que je n’étais pas laide ?

— Oh ! Consuelo, s’écria Anzoleto avec angoisse, tu es un enfant, un véritable enfant ! Nous ne pouvons nous marier ainsi du jour au lendemain sans qu’on le sache ; car le comte et le Porpora, dont la protection nous est encore si nécessaire, seraient fort irrités contre nous, si nous prenions cette détermination sans les consulter, sans même les avertir. Ton vieux maître ne m’aime pas trop, et le comte, je le sais de bonne part, n’aime pas les cantatrices mariées. Il faudra donc que nous gagnions du temps pour les amener à consentir à notre mariage ; ou bien il faut au moins quelques jours, si nous nous marions en secret, pour préparer mystérieusement cette affaire délicate. Nous ne pouvons pas courir à San-Samuel, où tout le monde nous connaît, et où il ne faudra que la présence d’une vieille bonne femme pour que toute la paroisse en soit avertie au bout d’une heure.

— Je n’avais pas songé à tout cela, dit Consuelo. Eh bien, de quoi me parlais-tu donc tout à l’heure ? Pourquoi, méchant, me disais-tu : « Sois ma femme, » puisque tu savais que cela n’était pas encore possible ? Ce n’est pas moi qui t’en ai parlé la première, Anzoleto ! Quoique j’aie pensé bien souvent que nous étions en âge de nous marier, et que je n’eusse jamais songé aux obstacles dont tu parles, je m’étais fait un devoir de laisser cette décision à ta prudence, et, faut-il te le dire ? à ton inspiration ; car je voyais bien, que tu n’étais pas trop pressé