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consuelo.

vie qui ne peut être qu’une pour nous deux, t’a seule inspiré ce chagrin et ces doutes. Tu as manqué de foi envers Dieu ; c’est bien plus mal que si tu m’avais accusée de quelque lâcheté. Mais je prierai pour toi, et je dirai : Seigneur, pardonnez-lui comme je lui pardonne. »

En exprimant son amour avec abandon, simplicité, et en y mêlant, comme toujours, cette dévotion espagnole pleine de tendresse humaine et de compromis ingénus, Consuelo était si belle ; la fatigue et les émotions de la journée avaient répandu sur elle une langueur si suave, qu’Anzoleto, exalté d’ailleurs par cette espèce d’apothéose dont elle sortait et qui la lui montrait sous une face nouvelle, ressentit enfin tous les délires d’une passion violente pour cette petite sœur jusque-là si paisiblement aimée. Il était de ces hommes qui ne s’enthousiasment que pour ce qui est applaudi, convoité et disputé par les autres. La joie de sentir en sa possession l’objet de tant de désirs qu’il avait vus s’allumer et bouillonner autour d’elle, éveilla en lui des désirs irréfrénables ; et, pour la première fois, Consuelo fut réellement en péril entre ses bras.

« Sois mon amante, sois ma femme, s’écria-t-il enfin d’une voix étouffée. Sois à moi tout entière et pour toujours.

— Quand tu voudras, lui répondit Consuelo avec un sourire angélique. Demain si tu veux.

— Demain ! Et pourquoi demain ?

— Tu as raison, il est plus de minuit, c’est aujourd’hui que nous pouvons nous marier. Dès que le jour sera levé, nous pouvons aller trouver le prêtre. Nous n’avons de parents ni l’un ni l’autre, la cérémonie ne demandera pas de longs préparatifs. J’ai ma robe d’indienne que je n’ai pas encore mise. Tiens, mon ami, en la faisant, je me disais : Je n’aurai plus d’argent pour acheter ma robe de noces ; et si mon ami se décidait à m’épouser un de