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consuelo.

— Parce que je le lui ai dit, repartit Consuelo.

— Et pourquoi le lui as-tu dit ?

— Parce qu’il me l’a demandé.

— Tu ne devines donc pas du tout pourquoi il voulait le savoir ?

— Apparemment pour me faire reconduire.

— Tu crois que c’est là tout ? Tu crois qu’il ne viendra pas te voir ?

— Venir me voir ? Quelle folie ! Dans une aussi misérable demeure ? Ce serait un excès de politesse de sa part que je ne désire pas du tout.

— Tu fais bien de ne pas le désirer, Consuelo ; car un excès de honte serait peut-être pour toi le résultat de cet excès d’honneur !

— De la honte ? Et pourquoi de la honte à moi ? Vraiment je ne comprends rien à tes discours ce soir, cher Anzoleto, et je te trouve singulier de me parler de choses que je n’entends point, au lieu de me dire la joie que tu éprouves du succès inespéré et incroyable de notre journée.

— Inespéré, en effet, répondit Anzoleto avec amertume.

— Il me semblait qu’à vêpres, et ce soir pendant qu’on m’applaudissait, tu étais plus enivré que moi ! Tu me regardais avec des yeux si passionnés, et je goûtais si bien mon bonheur en le voyant reflété sur ton visage ! Mais depuis quelques instants te voilà sombre et bizarre comme tu l’es quelquefois quand nous manquons de pain ou quand notre avenir paraît incertain et fâcheux.

— Et maintenant, tu veux que je me réjouisse de l’avenir ? Il est possible qu’il ne soit pas incertain, en effet ; mais à coup sûr il n’a rien de divertissant pour moi !

— Que te faut-il donc de plus ? Il y a à peine huit jours