Page:Sand - Constance Verrier.djvu/94

Cette page n’a pas encore été corrigée

je dis : Deuxième partie… de notre veillée : Histoire de la duchesse d’Êvereux.

« Vous savez d’où je sors ; je n’ai pas besoin de vous ennuyer de mes quartiers de noblesse. Je n’en ai jamais été plus infatuée que vous ne me voyez ; mais je dois vous dire que mes parents en étaient affolés, et que l’on m’apprit le blason avant de m’apprendre à lire.

« Ce que l’on m’apprit, du reste, ne fatigua pas la cervelle de ma gouvernante. Ma mère trouvait qu’une fille de qualité doit savoir rédiger des billets d’invitation, chanter une petite romance et monter à cheval pour suivre un jour, au besoin, les chasses de la cour ; de plus, avoir de grandes manières, c’est-à-dire une certaine façon de regarder, de remuer les bras, de s’asseoir et de tenir chacun à sa place ; abominer certaines locutions, comme la bonne société, battre les cartes, etc. ; juger les gens sur ces graves indices avant tout ; ne pas pardonner un manque de savoir-vivre ; enfin, parquer, dans un certain enclos de certaines convenances, la seule portion saine et intéressante du genre humain ; regarder tout le reste comme une tourbe, et ne dire mes semblables qu’à un point de vue religieux et chrétien, sans application réelle à la vie pratique.

« Ma mère avait été belle du temps de l’empereur, mais elle se vantait de ne l’avoir jamais vu, et même d’avoir quitté sa fenêtre, un jour qu’il passait. C’était en Allemagne ; ma famille avait émigré et ne rentra en France qu’avec les Bourbons.

« Mon père n’avait aucune initiative dans le carac-