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me surprenais à chaque instant remerciant Dieu, avec une joie enfantine, d’avoir bien voulu me ressusciter. Je regardais le ciel et les arbres dans les eaux du lac, comme si je ne les eusse jamais vus. Tout me paraissait beau, jeune, puissant, éternel. Moi seule j’étais faible et craintive. J’avais loué une barque que j’avais fait garnir de coussins, et où l’on me promenait étendue comme sur un lit. Au moindre souffle du vent, j’avais peur. Était-ce bien moi qui, sur les rivages de l’Adriatique, avais dix fois choisi les heures de tempête pour braver la colère des vagues ? Non, à coup sûr, c’était une autre, me disais-je : c’était une folle, une ingrate ! La vie est si douce et la tombe est si morne !

« À cet accablement délicieux succéda la réflexion, moins douce, mais bienfaisante. Aussi tout le passé me parut déplorable et je sentis que, pour y survivre, il fallait l’anéantir afin de pouvoir l’oublier. L’avenir m’apparut, encore une fois, ouvrant ses ailes d’or comme un oiseau du ciel qui fuit des rives maudites pour chercher un monde nouveau. J’avais encore des ailes, moi ! ma voix, un peu altérée, n’était pas perdue. Mon talent pouvait grandir encore, et ma conscience n’était bourrelée que de torts envers moi-même. Dieu, qui nous demande compte de l’emploi de ses dons, pardonne à qui veut être pardonné, et restitue à qui veut réparer. J’avais fait de grandes folies, mais je n’avais aucune bassesse à me reprocher. Je n’avais été méchante qu’avec les méchants. La bonté m’avait toujours trouvée sympathique et le repentir géné-