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ambition à la porte, et résolus enfin de n’écouter que mon cœur.

« Il me donnait de bons conseils, mais son choix fut malheureux. Un fils de famille, librettiste pour son plaisir, jeune, enthousiaste, charmant, m’avait sacrifié, malgré moi, un riche mariage. Je crus faire une grande chose, ne pouvant faire que ce mariage fût renoué, en refusant sa main qu’il m’offrait contre le gré de sa famille, et en lui donnant mon amour sans conditions. Sa reconnaissance le rendit sublime en paroles, comme le désir l’avait rendu héroïque en actions. Mais la possession le rendit à son naturel inquiet et avide de nouveauté. Une maîtresse, qu’en même temps que sa riche fiancée il avait abandonnée pour moi, et qui était une très-grande dame fort habile, me le disputa avec acharnement, et finit par le reprendre. Après avoir subi toutes les tortures du soupçon et de la jalousie, je restai seule avec ma colère et ma honte.

« Mais ma chute avait fait du bruit. Les prétendants devinrent plus audacieux. Le dépit me troubla le jugement. Un Lovelace en renom me vengea de l’infidèle. À son tour, il me fut disputé, et j’entrai fatalement dans les luttes de l’amour-propre et de la jalousie, luttes furieuses et misérables qui sont bien des passions, mais qu’on a tort d’appeler amour, car elles ne sont pas même de l’amitié. C’est un mélange de désir et de haine, rien de plus, mais cela vous ravage et vous épuise.

« Trompée de nouveau, je m’étourdis dans le bruit,