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« Il venait toutes les semaines passer la journée avec moi. Il arrivait de très-bonne heure, s’informait de mes études, examinait mes cahiers, écoutait mon chant, me donnait des avis très-éclairés et me choisissait mes lectures, m’apportant lui-même des livres à ma portée et me faisant lui rendre compte de ceux qu’il m’avait confiés la semaine précédente.

« Après cet examen paternel, il me faisait marcher pour ma santé et pour la sienne, disait-il. Je lui avais promis de ne jamais sortir de l’enclos qu’avec lui, et je lui tenais parole. C’est pour cela qu’il me faisait faire une promenade de deux ou trois heures, à pied, dans une immense prairie ondulée qui lui appartenait et qui entourait le parc. Sa causerie était charmante, élevée, instructive, aimable et persuasive, au point que je peux bien dire n’avoir jamais retrouvé un ami aussi distingué et aussi parfait. Ses manières et son langage étaient d’une chasteté exquise. Jamais un mot, jamais une idée qui pussent justifier les appréhensions vagues que j’avais conçues le premier jour. J’avais en lui désormais une confiance absolue, aveugle. Je m’appuyais sur son bras comme si j’eusse été sa propre fille, et je baisais ses mains blanches avec religion. Il souriait doucement, sa belle figure fine et aristocratique avait une expression de sérénité incroyable. Quand il arrivait et quand il me quittait, il me donnait un baiser au front, et jamais je ne voyais reparaître sur son visage l’étrange sourire qui m’avait effrayée, par instants, à notre première rencontre.