Page:Sand - Constance Verrier.djvu/47

Cette page n’a pas encore été corrigée

de mes illusions sur l’amour. Il ne pouvait les partager : il avait vingt-cinq ans, il connaissait la vie, il avait des projets, un avenir, une famille. Il eût été insensé de me sacrifier tout cela, à moi, qui ne lui avais sacrifié que mon honneur.

« Ce mot d’honneur, qui errait amèrement sur mes lèvres, me glaça d’épouvante. Il est bien certain que je n’avais pas connu le prix du mien, puisque je l’avais livré sans examen et sans condition. Je me voyais avilie et dégradée sans avoir le droit de rejeter ma faute sur mon séducteur. Mon raisonnement et mon intelligence s’éveillaient dans les larmes, et le désespoir me révélait ma honte. Mon Dieu ! n’eût-il pas mieux valu rester stupide et prendre mon parti de tomber dans l’abjection au jour le jour ? Ce qui est horrible, c’est d’en venir à le comprendre, quand on ne peut pas en effacer la souillure !

« Je n’oublierai jamais les deux ou trois heures que je passai sous les arcades de la terrasse du jardin Doria, à regarder les vagues qui déferlaient à mes pieds. Il y faisait froid, le temps était à la pluie et le vent fouettait mes cheveux dénoués. Chose étrange, je ressentais une sorte de joie sombre en découvrant que j’avais une âme, et que la dure leçon de l’expérience pouvait la modifier, la détruire à jamais ou la relever pour toujours.

« Je cherchais ma volonté, et j’étais tout étonnée de la sentir naître. Mais qu’allait-elle me conseiller et quel usage saurais-je en faire ?