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disais — je l’ai bien senti — : « Ce qu’il m’a dit là, il l’avait dit à d’autres ! » Aujourd’hui, je te parle autrement ; je te parle presque froidement, en homme qui se prépare, non à l’ivresse de la possession, mais à des années d’expiation et de respect absolu. »

— Ah ! tu es un ange ! s’écria Constance, et moi, je suis une ambitieuse ! Je demandais plus que je ne mérite !

— Non ! répondit Raoul, je ne veux pas que tu demandes moins et que ton ambition se contente d’un amour que tu ne sentirais pas à la hauteur du tien ; je ne veux pas d’une affection résignée et mélancolique. Je veux ce que tu as de plus ardent et de plus suave dans le cœur. Je sens que je le mérite déjà (car j’ai déjà souffert le martyre), mais que tu ne pourrais pas me donner encore la félicité que je rêve. J’attendrai, Constance, j’attendrai ! Laisse-moi dire seulement que je ne veux pas désespérer, parce qu’il est impossible de désespérer, quand on est un homme de cœur et qu’on se sent plus fort que la fatalité. Ce n’est pas parce qu’on a faibli une fois qu’il est inévitable de faiblir encore ; cela est bon pour ceux qui chérissent leurs faiblesses ; mais quand on les déteste fortement, on les écrase si bien qu’on les efface. Ne vois-tu pas que j’ai résisté à tout, depuis notre malheur ? Et moi, n’ai-je pas senti cent fois qu’un orgueilleux vulgaire eût devancé ton arrêt et se fût enfui pour se dérober à tes reproches, à ton indifférence, à sa propre honte ? J’ai pourtant de l’orgueil, tu le sais ; eh bien, j’ai bu la honte jusqu’à la lie. J’ai enduré la mortelle con-