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une âme élevée. Pardonne-moi, Abel, j’étais peut-être exagérée et trop rigide en voulant faire de mon instinct une loi de la conscience applicable à tous ; mais c’est ce beau rêve qui m’a donné quatre ans de foi et de repos intérieur. Que veux-tu ! les instincts entraînent les uns vers les plaisirs des sens, et les autres vers les joies de l’esprit. Si l’on pardonne aux premiers, il faut bien pardonner aussi aux autres. Dépendait-il de moi de ne pas croire à l’amour exclusif ?

« J’y croyais ! et si quelqu’un alors fût venu me dire : Vous êtes folle ; une fille sans expérience peut croire cela pour son compte, et c’est tant mieux pour sa vertu ! mais un homme est un être si différent qu’il ne peut pas subir la même loi et s’imposer la même retenue, un homme est entraîné, forcé par la nature à ne pas vivre sans femme, et l’idéal ne lui suffit pas. Eh bien ! si l’on m’eût dit cela, j’aurais cru qu’on me trompait ! J’aurais répondu : Si les tentations de l’homme sont plus fortes, comme sa force physique est aussi plus grande que la nôtre, et que l’éducation développe davantage son intelligence qui est sa force morale, il peut combattre ses passions avec des chances égales aux nôtres. Et, comme je te savais le plus intelligent et le plus moral des hommes, j’aurais, sans aucun orgueil en ce qui concerne mon propre mérite à tes yeux, répondu de toi comme de moi-même.

« Je m’étais trompée, cher Abel ! Tu avais succombé à des séductions plus puissantes que mon souvenir. J’en ai été accablée et terrassée d’abord. Et puis, je me