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de répit et de pitié à moi-même, de devenir folle. Aie pitié aussi, toi ! tu vois bien que tu m’es cent fois plus cher que ma vie ; mais combien la tienne serait malheureuse si je perdais la raison ! Ah ! je suis humiliée d’avouer la faiblesse de mes facultés. Pendant quatre ans, j’ai si orgueilleusement compté sur elles ! Je supportais l’absence, il n’y avait pas en moi accès au moindre doute, et j’avais fait de la douleur d’attendre, une espèce de joie divine qui me soutenait. J’aspirais à tes embrassements comme on aspire au ciel. Oui, je suis là pour ne rien cacher, et le mariage me donne le droit de tout dire. J’ai vécu si purement, j’ai lu tant de choses sérieuses, j’ai été si peu curieuse de celles qui ne le sont pas, j’ai voulu avec tant d’austérité savoir les mystères de la création et les desseins de Dieu sur nous, que j’ai appris, de vingt à vingt-cinq ans, ce que les filles sont censées ignorer. Eh bien, cette connaissance théorique n’avait mis aucun trouble dans ma vie. Je veux, me disais-je, que celui que j’aime trouve ma pensée aussi pure que mon cœur, et je ne rêvais que d’un baiser aussi fervent qu’une prière, d’une étreinte où nos âmes se confondraient : et cela, je me disais : nul autre homme au monde ne pourrait m’en faire savourer les délices. Je n’aurais pas pu aimer un autre homme que lui. Le baiser d’un autre homme ne m’effleurerait seulement pas. Si j’étais condamnée à le subir, je mourrais d’horreur et de dégoût auparavant.

« Oui, voilà ce que je me disais : ce que l’on appelle le plaisir sans amour, c’est une souillure pour