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intérêts contre les passions, après avoir été assez habile et assez ardent pour satisfaire les unes et les autres. »

— Me voilà tranquille ! dit la Sofia en respirant avec force. Dieu me pardonne ! j’ai cru que vous vouliez me faire deviner une infidélité de celui que j’aime ! Mais votre Melvil n’est pas le mien ; je le vois à présent ! Il n’a pas cette froideur et ce positivisme !

— Votre Melvil prétend donc, reprit la duchesse, qu’on aime une femme au point de lui rester fidèle toute sa vie ?

— Il ne parlait jamais de cela. Il ne discutait pas et ne raisonnait guère. C’est en cela qu’il était aimable. Il était tout droiture et tout spontanéité, et quand il disait j’aime, on sentait qu’il n’aimait pas toutes les femmes, mais une seule !

— Eh bien, reprit la duchesse, mon Melvil ne disait pas le contraire, et vous me rappelez qu’il avait aussi une théorie fort bonne sur ce point, que l’on préfère toujours une certaine femme avec laquelle on tend à passer sa vie ou avec laquelle on regrette de ne pouvoir la passer. Il reconnaissait la fidélité du cœur et les doux liens de l’amitié, de l’habitude, de l’estime et du respect. Mais il ne faisait point de pathos pour cela. Il n’avait rien de ridicule et ne se posait pas en rigoriste. Il ne faisait point fi de la liberté accordée à l’homme par l’usage et l’opinion, et, loin de maudire les femmes qui donnent du bonheur sans imposer d’obligations pénibles et dangereuses, il parlait d’elles