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— Mais où voulez-vous donc en venir avec cette histoire ? dit la Mozzelli, de plus en plus alarmée.

— À occuper une heure de loisir en vous faisant connaître le jugement d’un homme remarquable sur les idées qui vous tournent la cervelle, sur la passion en particulier. Les passions, me disait-il, sont les mêmes chez tous et pour tous. J’ai un peu voyagé, j’ai parcouru l’Europe, et j’y ai vu partout régner deux appétits suprêmes : l’amour de l’argent et l’amour des femmes. L’ambition exclusive du pouvoir ou de la célébrité est le partage du petit nombre ; la masse court au plaisir et à la richesse. Et, dans cette masse même, il y a une immense majorité qui, ne pouvant espérer la fortune, garde vivace l’ardeur des sens. On peut donc dire que c’est la soif de l’amour sous toutes ses formes qui gouverne le monde. Ceux qui le nient sont mal informés.

« La femme, disait-il encore, est donc toujours reine, effroyablement reine, puisque l’homme, quel qu’il soit, vieux ou jeune, riche ou pauvre, intelligent ou inepte, oisif ou accablé de travail, poëte ou sceptique, subit l’empire de la grâce et de la beauté. C’est même une opinion régnante au milieu de toutes les autres, et plus puissante que toutes les autres, de regarder comme un niais parfaitement ridicule l’homme qui résisterait, par moralité ou par prudence, aux avances d’une belle femme ; et peut-être toute la sagesse, toute l’habileté, toute la force morale de notre époque consiste-t-elle à sortir de la lutte des