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fus obéissante à ce qu’il semblait me prescrire : je le regardai à peine ; je me contentai de penser qu’il était là, qu’il pouvait encore traverser quelques-unes de mes tristes journées comme un éclair, ou plutôt comme un rayon. L’apercevoir un instant, c’était encore immense, et je le lui avais dit, comme je vous l’ai dit tout à l’heure : pour ce bonheur-là, j’aurais été au bout du monde.

« Il l’a compris, et c’est là ma récompense. Un jour de courses de chevaux, comme j’étais seule un instant, il vint à moi à travers la foule et me dit : — Je pars. Je vous remercie de votre délicatesse. — Ah ! vous me remerciez ! lui dis-je avec désespoir ; ce n’était donc pas une épreuve ? — Je n’en aurais pas eu la force ! — Alors, c’est que vous avez ici une maîtresse ! — Si j’en avais une, je vous la sacrifierais. — Vous êtes marié ! — Vous me l’avez déjà demandé ; je vous ai dit : non. — Et vous partez ? — Il le faut. — Vous voulez m’oublier ? — Je ne le pourrais pas. — Dites-moi encore que vous m’aimez, si vous voulez que je vive. — Dites-moi, vous, que vous ne m’aimez plus, voilà ce qu’il faut me dire si vous avez pitié de moi. « On vint nous séparer, et il s’enfuit. Je ne l’ai plus revu. Mais il y avait tant de combat intérieur, tant de souffrance, tant de véritable douleur dans son dernier regard ! Il m’aime, allez ! Il m’aime autant que je l’aime, et, comme rien ne résiste au véritable amour, il se trouvera libre, un matin, par la force de cette destinée qu’un grand cœur parvient à se faire à lui-