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indices qui nous manquaient. Il retrouva aisément le creux où croissait la menthe et le talus où nous avions cru nous dire un éternel adieu. Nous enlaçâmes nos mains tous trois en ce lieu terrible, et Jennie nous dit :

— Mes enfants, je remercie Dieu ! Il n’eût été ni difficile ni cruel de mourir ce jour-là. Je ne souffrais pas, je voyais déjà de l’autre côté de la vie, et les peines de celle-ci ne me paraissaient plus rien devant le beau ciel où nous devions nous retrouver. J’oubliais d’être inquiète pour ma Lucienne ; j’oubliais de vous plaindre, mon pauvre Frumence. Je m’en allais ! La mort rend égoïste apparemment, car je ne voyais plus que Dieu. Vous ne croyez pas à cela, Frumence, n’importe : ma Lucienne me comprend. Je vous en ai voulu, quand je me suis retrouvée sur mon lit de douleur, de ne m’avoir pas laissé finir ici, dans un si bel endroit et par un si beau soir ! Vous n’avez pas voulu laisser partir Jennie, c’était votre droit, puisqu’elle est à vous deux, et à présent je vous en remercie ; car, si cette vie ne vaut pas l’autre, elle a du bon tant qu’on est aimé. Vous m’avez soignée comme des anges que vous êtes, et je crois que j’ai été souvent méchante. Je ne me souviens pas bien de ce que j’ai pu vous dire, même en ces derniers temps où j’ai beaucoup parlé, je crois, dans la