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chinalement un bouquet, puis je le mis tremper dans un peu d’eau qui frissonnait sur les pierres, et je l’y laissai. J’étais maudite ; pourquoi emporter ces pauvres fleurs ?

Je rentrai brisée sans avoir dit un mot à personne. Je rencontrai quelques paysans qui ne me reconnurent pas sous mon voile, ou qui hésitèrent un instant et me prirent pour une étrangère en ne recevant pas le bonjour accoutumé.

Je trouvai Jennie inquiète de moi. Elle avait envoyé Frumence à ma recherche. Leur sollicitude me donna de l’humeur, je me plaignis d’être un sujet de tourment et de ne pouvoir souffrir en paix. Jennie eut des larmes dans les yeux ; moi, j’en avais le cœur plein, et je la trouvai faible de ne pas me cacher les siennes.

J’essayai de causer avec l’abbé Costel. Il me fit des questions et des réflexions si naïves sur l’état de mon esprit, que je m’imaginai causer avec un enfant de cinq ans. Il me félicita d’avoir deviné à temps la perfidie, et m’engagea à habiter les Pommets, où l’étude du grec me consolerait de tout. Je le quittai pour aller voir la tombe de ma grand’mère. Mon cœur ne put s’y détendre. Je remarquai une tombe toute fraîche à côté de la sienne, et je regardai le nom écrit en blanc sur la petite croix de bois noir. C’était la vieille Jacinthe enter-