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un homme que tu connais depuis quelques mois à celui qui t’aime depuis tant d’années ?

— Il ne s’agit ni de préférence ni de mariage, répondit Jennie ; j’ai la ferme intention à présent de rester libre, j’en ai le goût et le droit. Je n’ai rien fait pressentir à Frumence, rien fait espérer à John ; seulement, je suis bien maîtresse de penser que, si j’avais quinze ans de moins, je ferais plus sagement de choisir John que Frumence. Frumence est trop au-dessus de moi par son éducation.

— Ce n’est pas vrai : tu comprends tout, toi !

— Je comprends, ce n’est pas assez. Nous ne gagnerions pas notre vie ensemble. Et puis il est trop jeune ; il voudrait peut-être de l’amour, je n’en pourrais plus avoir, je me trouverais ridicule ; ou, si j’en avais, j’arriverais peut-être à la jalousie, et mieux vaut la mort ! Non, non, Frumence me convient si peu, que vous me verriez au désespoir s’il me fallait l’épouser ; mais vous voyez bien que cela n’est pas nécessaire à son bonheur. C’est mal de dire que je suis sa dupe. Si la raison de Frumence était une grimace et sa vertu un semblant, il serait méprisable, et Marius aurait eu raison de l’appeler cuistre.