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père et son mari, que je vois quelquefois, après de vains efforts pour me ramener chez eux, paraissent les plus heureux du monde ; elle seule me tient rigueur et n’a pas fait la moindre démarche personnelle pour se rapprocher de moi. Peut-être se ravisera-t-elle ; je ne le désire pas. Les sept années que j’ai passées auprès d’elle ont été sinon les plus pénibles, du moins les plus agitées de ma vie.

Depuis deux ans, Paul ne l’a revue qu’une seule fois, le mois dernier, et voici comment il me raconta cette entrevue fortuite :

— Hier, comme j’étais à Fontainebleau pour une affaire, j’ai voulu profiter de l’occasion pour faire à pied un bout de promenade jusqu’aux roches d’Avon. En revenant par le chemin boisé qui longe la route de Moret, tout absorbé dans une douce rêverie, je n’entendis pas le galop de deux chevaux qui couraient derrière moi sur le sable. L’un deux fondit sur moi littéralement, et m’eût renversé, si, par un mouvement rapide, je ne me fusse accroché et comme suspendu à son mors. La généreuse bête, qui était magnifique, par parenthèse — j’ai eu assez de sang-froid pour le remarquer — n’avait nulle envie de me piétiner ; elle s’arrêtait d’elle-même, quand un vigoureux coup de cravache de l’amazone intrépide qui la montait la fit se dresser et me porter ses genoux contre la poitrine. Je ne fus pas atteint, grâce à un saut de côté que je sus faire à temps sans lâcher la bride.

« — Laissez-moi donc passer, monsieur Gilbert ! me dit une voix bien connue avec un accent de légèreté.